Histoire de Gensac-la-Pallue

L’héritage d’une terre seigneuriale 

À la période gallo-romaine, Gensac apparaît sous le nom de gentius-acum « domaine de Gentius », une appellation typique des anciens peuplements de langue celtique. À ce jour, nous ne disposons pas d’éléments concrets sur le personnage Gentius, ni sur les structures ou conditions de vie des habitants. Seul l’anthroponyme semble apparenter Gentius au latin gens, gentis, signifiant « la famille ».   

Les évènements deviennent plus pertinents à partir du Ve siècle. L’actuel territoire français est sous la domination de l’Empire romain d’Occident. Gensac n’échappe pas à l’invasion barbare des Wisigoths, un peuple germanique issu des Goths. En effet, de 413 à 418, les Wisigoths poursuivent leur migration vers la Gaule et déclarent la guerre à Honorius, Empereur de l’Empire romain, puisque ce dernier a provoqué le massacre des familles de 30 000 soldats wisigoths servant dans l’armée romaine. 

Devant les attaques agressives des Wisigoths, Honorius s’incline et accorde aux Wisigoths des terres dans la province Aquitaine seconde (Gironde, Charente et Poitou). Gensac appartient alors au Royaume des Wisigoths, ou « Royaume de Toulouse » 

Les rois fédérés francs, burgondes et wisigoths sont censés exercer le pouvoir par délégation impériale sur la zone dans laquelle ils ont été installés au titre de foedus (accord romain). En réalité, ils agissent en peuples indépendants et s’étendent au détriment des zones contrôlées par les Romains.   

La chute de l’Empire romain d’occident en 476 signe la fin de l’Antiquité, mais le déclin économique et politique est sans appel, les communautés sont fragilisées par cette longue période de domination romanisée, ainsi que par les destructions, massacres et pillages menés par les peuples barbares. Cependant, le règne de la dynastie mérovingienne va mettre fin à la puissance des royaumes barbares.   

Vers 482, Clovis 1er est couronné Roi des Francs. Il commence ainsi l’expansion de son Royaume et compte bien faire tomber les royaumes barbares et autres chefferies franques installés au sud de la Gaule. Il est déterminé à lutter contre les Wisigoths au sud-ouest, les Burgondes au sud-est et plus loin, en Italie, les Ostrogoths. Les Francs de Clovis mènent deux expéditions militaires vers le Royaume Wisigoths de Toulouse en 496 et 498. 

L’Aquitaine, dont Gensac, est libérée des Wisigoths et appartient désormais au Royaume Franc. Sur les cartes, le royaume de Clovis ressemble déjà à ce que sera la France au XIVe siècle.   

Néanmoins, il faut attendre le XIIe siècle pour voir apparaitre des changements idéologiques. La période de la Renaissance est notamment marquée par l’arrivée des châteaux forts, la réforme religieuse et les traductions latines d’œuvres scientifiques et philosophiques grecques. C’est ainsi que le domaine de Gentius devient Gentiaco vers 1100.   

À cette époque, la terre de Gensac est une seigneurie appartenant au comté d’Angoulême, représentée par la famille Taillefer, descendant de Vulgrin 1er d’Angoulême. C’est d’ailleurs l’héritier et légendaire chevalier Ivo Taillefer qui participa en 1066 à la conquête de l’Angleterre menée par Guillaume le Conquérant

Photo du chevalier Ivo Taillefer 
Ivo Taillefer, le Jongleur-Chevalier 
© Crédit photo : KAL – la mesnie païenne 

Au XIIIe siècle, Gentiaco devient une terre anglaise par le mariage d’Isabelle Taillefer, aristocrate de la haute noblesse aquitaine et Jean sans Terre, roi d’Angleterre. Ce dernier décéda en 1216 et l’ex-reine d’Angleterre, Isabelle Taillefer, épousa Hugues X de Lusignan, seigneur de Lusignan et comte de la Marche. En 1231, ils cédèrent leurs droits sur les terres de Gensac, Roissac et Marville à Itier II de Barbezieux, de Saintonge. Gentiaco n’est plus à l’Angleterre. En 1234, le toponyme de Gensac est né. 

Malheureusement, la guerre de Cent Ans relance l’agitation dans les provinces, et plus précisément en Aquitaine. Les échanges entre la France et l’Angleterre sont sismiques. À l’origine, le conflit nait entre deux dynasties pour l’accès à la souveraineté de la France : les Plantagenêt (maison royale d’Anjou) et les Valois qui règnent sur le royaume de France. 

Édouard III, roi d’Angleterre, profite de ce conflit dynastique pour faire entendre également sa contestation des Valois au trône de France. Il fait alors prisonnier le Roi de France, Jean II le Bon qu’il libèrera quelques années plus tard en échange de la souveraineté de plein droit sur des terres de la France. L’Angleterre obtient ainsi l’Aquitaine par le traité de Brétigny, signé en 1360. Le traité sera rompu par Charles V en 1368 et l’Aquitaine retrouve son indépendance. 

De 1370 à 1515, les familles de la haute noblesse française se succèdent sur le comté d’Angoulême : De la Rochefoucault, De Mortemer, De Crevant, Vaillac, De Beauchamp, Regnault de la Soudière. 

En 1515, le comté d’Angoulême retourne au domaine royal. Le comte d’Angoulême, né sous le nom de François d’Angoulême en 1494 à Cognac, est couronné Roi de France en 1515 sous le nom de François Ier. Fils de Charles d’Orléans, il appartient à la branche de Valois-Angoulême de la dynastie capétienne. François Ier est considéré comme le roi emblématique de la période de la Renaissance française. 

Plus localement, le patrimoine historique à Gensac est sur le point d’éclore. Le seigneur François de Mortemer procéda à la vente d’une parcelle de terre avec Henri Bernard. La terre de l’Éclopard se révéla ainsi en 1537. Nicolas Prévostière fut le propriétaire suivant et à l’origine de la construction du logis de l’Éclopard au début du XVIIe siècle. Le logis est inscrit aux monuments historiques depuis 1986. Dans le même registre, la terre du Perron est attestée depuis le XVIIe siècle. 

Photo du Château de Gademoulin
Château de Gademoulin
© Crédit photo : photocognac.com 

Le château médiéval de Gademoulin est aussi inéluctablement inscrit dans l’histoire de Gensac, un château au destin sinueux à travers lequel les épreuves l’ont amené au rang d’un monument emblématique de Gensac-La-Pallue. Construit au XIVe siècle, le château fut incendié en 1548 lors des révoltes du peuple contre la gabelle. Il fut racheté en 1604 et reconstruit par la famille Green de Saint-Marsault, avant de devenir la propriété du grand séminaire de Saintes en 1715. Il sera de nouveau démoli et reconstruit à partir de 1815 en style néogothique sur les plans de l’architecte Louis-Charles Geay. 

En 1558, le marais de Gensac est délimité avec celui de Rulle (de la Pallue). Un domaine noble est édifié sur La Pallue, appartenant à la propriété de Gademoulin. La Pallue est une zone étendue de marécage à la végétation sauvage et unique encore aujourd’hui. Le marais, dérivé de palud en latin, a d’ailleurs donné son nom à La Pallue. 

En 1789, la Révolution met fin au règne seigneurial. Le comté d’Angoulême disparaît au profit de municipalités. En 1793, Gensac devient une commune. En 1857, La Pallue et Gensac forme une seule commune.  

 

Réunion de Gensac et La Pallue

une greffe difficile à prendre  

De la création des deux communes en 1793 à leur réunion en 1857, plus d’un demi-siècle s’est écoulé. Durant cette période, la France a souvent changé de régime passant de la monarchie de Juillet (1830-1848) sous le règne de Louis-Philippe Ier à la Deuxième République (1848-1852) avec Louis-Napoléon Bonaparte, président. La France se trouve enfin sous le Second Empire avec ce même Louis-Napoléon qui devient Napoléon III, empereur au moment des débats difficiles préalables à la fusion.

Les documents ayant servi de base pour connaître cette période sont les délibérations des conseils municipaux de Gensac (1833 à 1857), de La Pallue (1838 à 1857) et de Gensac-la-Pallue (1857).

Composition de la population des deux communes au recensement de 1846 :

Villages de Gensac

La Champagne12
Éclopard10
Chardon42
Les Cottuts32
Le Bourg194
Chez Garraud8
La Prise13
Chez le Tard10
Les Barbottins56
Grataud45
Soubérat24
Le Ménie52
La Maison Neuve6
Total504
Roissac375
Marville118
Lorimont6
Total499
Population totale1003

Villages de La Pallue

Le Bourg173
Les Gascards120
Leaubaret39
Gademoulins18
Les Martinauds*51
Les Renauds*65
Population totale466
*Ces deux villages proviennent certainement de la seigneurie de Gademoulin

Les villages des Martinauds et des Renauds qui se touchent dans le bourg de Gensac ont leur administration (la mairie de La Pallue) à 1,400 km, alors que la mairie de Gensac est très proche.

Lors de la réalisation du plan cadastral napoléonien, en 1813, les géomètres ont inclus les villages des Martinauds et des Renauds dans la commune de Gensac. Mais les habitants de ces deux villages ont continué à faire inscrire leurs actes d’état civil sur la commune de La Pallue, bien qu’ils soient portés sur le rôle des impositions de la commune de Gensac.

Réponse de l’administration fiscale : « C’est la faute des Maires qui ne se sont pas donnés la peine de bien établir la délimitation ».

Un membre du conseil municipal de la commune de La Pallue habite l’un de ces deux villages. Les habitants ne veulent absolument pas faire partie de la commune de Gensac (source : lettre du 15 juillet 1826, du S/P de Cognac au Préfet de la Charente).

         Les villages de Roissac et Marville sont situés entre 4 et 5 km de la mairie, de l’église, du cimetière. Les routes sont en très mauvais état l’hiver et très difficiles à entretenir. Pour ces raisons, il faut maintenir une école à Roissac.

La commune de La Pallue n’a ni église ni cimetière. Elle doit donc contribuer au frais concernant l’église et le cimetière de Gensac, soit 1/3 des sommes engagées. L’école se tient au domicile de l’instituteur. La mairie est en location.

            Les deux communes sont liées aussi par la voie qui les traverse. Dès le 27 novembre 1846, la commune de La Pallue émet un avis favorable pour s’associer à Gensac pour la confection d’un chemin du bourg de Gensac à la route royale N°141 à la hauteur des Mullons avec une bifurcation vers le Mas, le Gros Jonc pour rejoindre la route de grande communication de Cognac à Segonzac à la croix des Six Chemins.

            En 1851, une délibération fait état d’une Pétition des habitants des Martinauds et des Renauds pour être détachés de La Pallue et rattachés à Gensac. Depuis 1816, ils paient leurs impôts à Gensac. La pétition est rejetée et la commune de La Pallue demande que les impôts lui soient versés.

            De 1853 à juillet 1855, les conseillers de La Pallue envisagent d’acquérir une école et un cimetière, mais jugent la charge trop lourde ajoutée à celle du chemin d’association. Ils refusent aussi l’achat du nouveau cimetière envisagé par Gensac, et rejette à l’unanimité, leur fusion avec Gensac « …Cette réunion blesserait les habitants de La Pallue dans leurs intérêts et leurs habitudes et provoquerait entre les communes réunies des animosités que le projet seul a laissé entrevoir… le chiffre de la population de la commune de La Pallue qui s’élève à 401… »

Pendant la même période à Gensac, le conseil municipal accepte la réunion de la commune de La Pallue à celle de Gensac pour l’instruction primaire. Et l’assemblée considérant :

  • que les chemins de Roissac et Marville à Gensac sont impraticables pendant une partie de l’année, qui est d’une difficulté extrême pour ne pas dire d’une impossibilité absolue, de pouvoir les améliorer et que la distance est de 5k
  • que la population de Roissac et Marville est privée, par le même motif des instructions et consolation de la religion.
  • que le village de Marville paraît être la suite naturelle de la commune de Genté, le chemin conduisant d’une localité à l’autre forme pour ainsi dire une rue.
  • que la distance de Roissac à Angeac n’est que de 1500 m, que le chemin qui y conduit est sur un sol pierreux et de facile entretien, que par la réunion de Marville à Genté et Roissac à Angeac, les populations recevront à la fois un bien-être matériel et moral.
  • que la commune de Gensac peut être indemnisée de la perte des deux villages et se maintenir comme commune par l’annexe de La Pallue dont les maisons sont enclavées en partie en Gensac et qui ne peut prétendre à rester à l’état de commune, n’ayant ni église, ni cimetière, ni école.

Est d’avis que le territoire de la commune de La pallue soit réuni à Gensac, que le village de Roissac et la maison Joslin à Lorimont soient distraits de la commune de Gensac et réunis à la commune d’Angeac-Champagne et celui de Marville à Genté …

Après de nombreux revirements et dissensions au sein des conseils, plus aucune délibération n’eut lieu à ce sujet jusqu’au 24 novembre 1857, date de l’installation du nouveau conseil de Gensac-la-Pallue, nommé par arrêté préfectoral du 16 septembre 1857.

Nicolas Jucaud est le dernier maire de La Pallue, Louis Pinard, celui de Gensac. Jean Valtaud devient le premier maire de Gensac-la-Pallue et Nicolas Jucaud, son adjoint.

Auteur : Section de recherches historiques de l’association Culture et Loisirs

La translation du cimetière

L’ancien cimetière de la paroisse de Gensac était situé autour de l’église, côté nord, sud et sur la place actuelle.

Un décret du 23 prairial an XII (12 juin 1804) précise :  » article 1er . Aucune inhumation n’aura lieu dans les églises, temples, synagogues, hôpitaux, chapelles publiques et généralement dans aucun des édifices clos et fermés où les citoyens se réunissent pour la célébration de leurs cultes ni dans l’enceinte des villes et bourgs ».

Le 2 août 1838, le Préfet de la Charente envoie une lettre, au conseil municipal de Gensac pour demander la suppression du cimetière, en vertu du décret ci-dessus.

Le conseil municipal unanimement est d’avis : « de le maintenir et de le murer dans tout son contour d’une hauteur de six pieds à compter du sol du chemin ». Pour subvenir aux dépenses de cette clôture, le conseil municipal propose « de la compenser par la vente de tout le bois dessus et autour du cimetière ».

Le 13 mai 1844, une autre délibération du conseil municipal réitère la demande de maintien de l’ancien cimetière faite le 2 août 1838.

Le 8 mai 1853, la réunion du conseil municipal prend conscience que la réunion pour le culte des communes de Gensac (avec Roissac et Marville à cette date) et celle de La Pallue obligeait à un agrandissement du cimetière et donc sa translation vers un autre lieu. L’ancien cimetière est insuffisant, insalubre et d’ailleurs supprimé par la loi.

Trois propriétaires (MM. Pierre Lévêque, Pierre Coutin et Henri Arraudeau) ont en commun un terrain qu’ils consentent à céder à la commune d’une superficie de 35,09 ares pour la somme de 2 700 francs. Cette dépense sera complétée par la construction d’un mur entourant le cimetière dont la dépense est estimée à 3 485,30 francs. Soit une somme de 6 185,30 francs dont un tiers (2061,95 francs) sera à la charge de la commune de La Pallue mais avancée par la commune de Gensac. L’ancien cimetière sera supprimé aussitôt la réalisation du nouveau.

Le 19 juin 1853, suite à l’enquête commodo et incommodo concernant la translation du cimetière, le conseil municipal appuie les observations favorables au projet et rejette celles qui sont contre. Il émet le vœu que l’ancien cimetière soit conservé, qu’il n’y ait plus de sépulture et qu’il soit clos par un mur ou une haie, ouvrage n’ayant pas été réalisé.

Le 9 novembre 1855, le conseil municipal vote une somme de 200 francs, à prendre sur les fonds libres, pour l’installation d’une croix dans le nouveau cimetière par M. Rousseau de Jarnac.

Le 13 mai 1856, le conseil municipal fixe les tarifs des concessions. Les 2/3 de la somme sont versés dans la caisse municipale et 1/3 au trésorier du conseil de fabrique.

–        1° concession perpétuelle 20 francs le m2 

–        2° concession trentenaire  10 francs le m2

–        3° concession temporaire    5 francs le m2

Concession supérieure à 2 m2 : 50 francs le m2 en sus.

Les travaux du nouveau cimetière sont donc effectués entre 1856 et 1860 sur plan de Védrenne.

En 1867, la ligne ferroviaire d’Angoulême à Saintes est mise en service et le bourg de Gensac est desservi par une gare.   

Depuis, le bourg de Gensac n’a cessé de développer son attractivité et d’écrire son histoire. 

Photo du Pont Renaud
Le Pont Renaud 

Le Pont Renaud a été construit au XXe à l’initiative d’André Renaud, fondateur de la maison Rémy Martin, pour relier le hameau de Barbotins où se situait la gare et le bourg. Ce dernier souhaitait que sa femme accède plus rapidement à l’église le dimanche.